«Garçons de cristal»
Xianyong Bai
Né
en juillet 1937, la guerre sino-japonaise puis la guerre civile contraignent
Bai Xianyong et sa famille à trouver refuge à Taïwan. Dans les années soixante,
il part finir ses études en Californie où il est aujourd'hui professeur de
chinois. Auteur de «Fallen Immortals» (1967), «Wandering in the
Garden, Waking from a Dream» (1968), «Taipei People» (1971) et «Lonely
Seventeen» (1976). Trois
de ses œuvres sont traduites en français : «Enfance à Guilin», «Garçons de
cristal» et «Gens de Taipei».
Il
est considéré, aujourd'hui, comme l'un des plus célèbres écrivains taïwanais.
A
travers les aventures d'Aquing, chassé de la maison paternelle le jour où son
père le trouve dans une situation «impudique» avec un voisin, l'auteur dépeint
la vie des «garçons de cristal», ces garçons à peine majeurs qui tentent de
vivre leur homosexualité. Au fil des pages, on peut rencontrer Petit Jade,
poursuivant le fantôme de son père inconnu parti vivre au Japon, Souriceau,
kleptomane presque idiot et espiègle, Wu Min, tendre amant meurtri, Phénix,
Dragon… et bien d'autres.
Entre
misère et déchéance, ils se retrouvent tous dans les jardins de Taipei (Taiwan)
où «leur maitre» les prostitue, tout en tentant aussi de les protéger de son
mieux.
Ecrit
à la première personne, ce livre est une initiation à la vie de jeunes garçons
dont les seules richesses sont la beauté de leur corps et leur débrouillardise.
Déployant sans ostentation, presque par petites touches, toute la gamme des
émotions, l'auteur offre avec ses «Garçons de cristal» une œuvre terriblement
émouvante et attachante, emplie de sensibilité et de pudeur.
Bien
que certaines critiques précisent qu'il faut «resituer (le livre) dans le
contexte des années 70...», celui-ci est en réalité intemporel. Par trois fois,
l'auteur cite des dates des «années de la république». Mais, en fait, cela ne
revêt aucune importance puisque le thème du livre et la façon dont l'auteur l'a
développé existent par delà le temps et l'espace. En effet, la situation de ces
jeunes pourrait être identique à une autre époque et un autre endroit !
C'est
d'ailleurs ce qui fait l'une des qualités de cette œuvre où l'auteur préfère,
avec beaucoup de justesse, insister plus largement sur la construction
psychologique et émotive des personnages, sur leurs relations croisées et leur
furieux désir de vivre coute que coute. Il montre que, même si ces garçons
vivent dans une misère profonde et parfois glauque, ils ont tous, quelles que
soient leurs raisons ou les moyens, choisi la rage de s'en sortir.
Sans
aucun misérabilisme, il met ainsi en évidence l'innocence de ces garçons qui
ont choisi de vivre réellement ce qu'ils sont dans une société en évolution,
mais néanmoins marquée par son histoire, sa culture et ses traditions. L'allusion
fréquente aux romans de cape et d'épée chinois est une illustration
intéressante des difficultés et des émotions parfois contradictoires qu'ils
peuvent rencontrer.
De
même, l'œuvre développe en filigrane le débat difficile sur le choix de vivre
(et de mourir s'il le faut) selon l'honneur ou de vivre ce que l'on perçoit
être sa réalité propre. La question est posée, sans aucune réponse. A chacun de
choisir ou de tenter de concilier les deux comme Aquing essaye de le faire.
En conclusion, même si le thème du livre pouvait tendre au
sexuellement scabreux et au voyeurisme larmoyant, il n'en est rien. Ce livre
est un bonheur pour qui veut découvrir un autre visage de la Chine ou simplement
vivre un moment de très bonne littérature.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire