mercredi 21 janvier 2015

«Garçons de cristal»



«Garçons de cristal»
Xianyong Bai


Né en juillet 1937, la guerre sino-japonaise puis la guerre civile contraignent Bai Xianyong et sa famille à trouver refuge à Taïwan. Dans les années soixante, il part finir ses études en Californie où il est aujourd'hui professeur de chinois. Auteur de «Fallen Immortals» (1967), «Wandering in the Garden, Waking from a Dream» (1968), «Taipei People» (1971) et «Lonely Seventeen» (1976). Trois de ses œuvres sont traduites en français : «Enfance à Guilin», «Garçons de cristal» et «Gens de Taipei».

Il est considéré, aujourd'hui, comme l'un des plus célèbres écrivains taïwanais.

A travers les aventures d'Aquing, chassé de la maison paternelle le jour où son père le trouve dans une situation «impudique» avec un voisin, l'auteur dépeint la vie des «garçons de cristal», ces garçons à peine majeurs qui tentent de vivre leur homosexualité. Au fil des pages, on peut rencontrer Petit Jade, poursuivant le fantôme de son père inconnu parti vivre au Japon, Souriceau, kleptomane presque idiot et espiègle, Wu Min, tendre amant meurtri, Phénix, Dragon… et bien d'autres.

Entre misère et déchéance, ils se retrouvent tous dans les jardins de Taipei (Taiwan) où «leur maitre» les prostitue, tout en tentant aussi de les protéger de son mieux.

Ecrit à la première personne, ce livre est une initiation à la vie de jeunes garçons dont les seules richesses sont la beauté de leur corps et leur débrouillardise. Déployant sans ostentation, presque par petites touches, toute la gamme des émotions, l'auteur offre avec ses «Garçons de cristal» une œuvre terriblement émouvante et attachante, emplie de sensibilité et de pudeur.

Bien que certaines critiques précisent qu'il faut «resituer (le livre) dans le contexte des années 70...», celui-ci est en réalité intemporel. Par trois fois, l'auteur cite des dates des «années de la république». Mais, en fait, cela ne revêt aucune importance puisque le thème du livre et la façon dont l'auteur l'a développé existent par delà le temps et l'espace. En effet, la situation de ces jeunes pourrait être identique à une autre époque et un autre endroit !

C'est d'ailleurs ce qui fait l'une des qualités de cette œuvre où l'auteur préfère, avec beaucoup de justesse, insister plus largement sur la construction psychologique et émotive des personnages, sur leurs relations croisées et leur furieux désir de vivre coute que coute. Il montre que, même si ces garçons vivent dans une misère profonde et parfois glauque, ils ont tous, quelles que soient leurs raisons ou les moyens, choisi la rage de s'en sortir.

Sans aucun misérabilisme, il met ainsi en évidence l'innocence de ces garçons qui ont choisi de vivre réellement ce qu'ils sont dans une société en évolution, mais néanmoins marquée par son histoire, sa culture et ses traditions. L'allusion fréquente aux romans de cape et d'épée chinois est une illustration intéressante des difficultés et des émotions parfois contradictoires qu'ils peuvent rencontrer.

De même, l'œuvre développe en filigrane le débat difficile sur le choix de vivre (et de mourir s'il le faut) selon l'honneur ou de vivre ce que l'on perçoit être sa réalité propre. La question est posée, sans aucune réponse. A chacun de choisir ou de tenter de concilier les deux comme Aquing essaye de le faire.

En conclusion, même si le thème du livre pouvait tendre au sexuellement scabreux et au voyeurisme larmoyant, il n'en est rien. Ce livre est un bonheur pour qui veut découvrir un autre visage de la Chine ou simplement vivre un moment de très bonne littérature.

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