«Au nom du père et du fils»
Francine Ouellette
Au
nom du père et du fils (tome 1)
Le
sorcier (tome 2)
Née
à Montréal, le 11 mars 1947, Francine Ouellette a étudié à l'École des
beaux-arts de Montréal. Elle a enseigné les arts plastiques à la Polyvalente de
Mont-Laurier, tout en faisant de la
sculpture. Dans les années soixante-dix, elle abandonne sa carrière
d'enseignante pour vivre à Schefferville où elle se consacre à ses deux
passions : l'aviation et l'écriture.
Mais,
depuis l'enfance, elle écrivait et voulait devenir écrivain. La parution de son
livre «Au nom du père et du fils», en 1984, puis du deuxième volet, «Le
sorcier», en 1986, l'a
hissée d'emblée au rang des meilleurs auteurs de romans historiques québécois.
Le sorcier a reçu le prix «France-Québec Jean-Hamelin» en 1986. Ces deux
ouvrages ont connu un succès incomparable au Québec puisque, fait rare, plus de
150 000 exemplaires ont été vendus. Quant à l’adaptation télévisée de ces deux
romans, elle a été suivie religieusement par des millions de téléspectateurs.
Francine Ouellette est donc une auteure québécoise extrêmement populaire.
Son
ouvrage prend place à la fin du 19e siècle, lorsque les européens francophones
et anglophones "envahissent" le Canada pour remonter toujours plus au
Nord, des deux côtés du Saint Laurent. Ce faisant, ils chassent les nomades
Amérindiens qui vivent là, défrichent leurs terres, coupent leurs arbres,
détruisent leur habitat, car, pour nombre d'entre eux, ils les considèrent
comme un peuple de sauvages qui ne valent pas plus que les animaux qu'ils
mangent.
Dans
ce contexte rude, ce livre raconte l'histoire d’amour entre un médecin blanc,
Philippe Lafresnière, et une indienne, "Biche pensive". De cette
union clandestine (le médecin est marié et père de famille) naît un fils,
Clovis, que le curé du village, Alcide Plamondon, un fou de dieu qui veut
régner en maitre sur SON village, n’aura de cesse de «s’approprier» tant il a
été ému le jour de son baptême. A la mort de Biche Pensive, le curé, par un
mensonge, obtient la garde et l’éducation de Clovis, privant ainsi de ses
droits le père naturel. Toutefois, le «docteur Philippe», aussi fort que
généreux, est le seul qui résistera à la toute-puissance du curé pour tenter de
protéger son fils de ce curé exalté et tyrannique.
Tirée
d’archives et de témoignages, cette histoire qui présente tous les ingrédients
du best-seller s’inspire de la vie du curé Labelle qui contribua à la
colonisation du Québec. En effet, sous le couvert d’une histoire populaire
d’amour interdit, elle met l’accent, d’une superbe façon, des questions
importantes : le choix douloureux entre devoir et passion; les rapports
intenses entre un médecin rationaliste et un curé qui n’ont pas la même
conception de la religion et de l’amour; la situation des amérindiens chassés
de leurs terres ancestrales par l’exploration et la modernisation du pays; la
destruction de la culture indienne; la protection de l’environnement…
Dans
ce huit clos, l’auteure rappelle une réalité historique trop souvent oubliée. En
effet, jeune pays de colonisation, le Canada a vu des hommes affronter les
rigueurs du climat tout en subissant les injonctions des prêtres qui détruiront
de nombreuses vies au sens propre comme au sens figuré. Même s’il ne faut ni
généraliser ni oublier que sans l’action de ces religieux le Canada ne serait
pas ce qu’il est aujourd’hui, il est impossible de nier qu’il y eut, parfois,
peu d'humanité du côté des colons, quelques a priori, et beaucoup
d'intolérance. Tout était en place pour qu’un étau infernal se resserre autour
des Amérindiens qui n'avaient, comme échappatoire que la disparition ou
l’assimilation de cette nouvelle culture…. Mais à quel prix !
Bref,
il s’agit d’une fresque romanesque très intéressante sur le plan social,
historique et religieux.
Au
delà du côté fresque historique, «au nom du père et du fils, s’avère un roman
tout à fait poignant qui s'étend sur presque trois générations. Un de ces
romans qui dépeint les personnages de l'intérieur, tout en laissant assez de
latitude au lecteur pour qu’il construise les personnages, avec son
imaginaire. De plus, il recèle une quantité d’expressions québécoises, plus
fleuries les unes que les autres, qui feront le bonheur de ceux qui souhaitent
découvrir ce pays attachant.
Enfin, si, du point de vue historique, l’auteure a pris des
libertés qui pourraient émouvoir un historien professionnel, et bien que de
nombreux téléspectateurs de la série télévisée aient écrit aux journaux et aux
télévision pour se plaindre de ce qu’ils ressentaient comme une attaque envers
leur religion, il n’en demeure pas moins que «Au nom du père et du fils» est
une œuvre magistrale pour découvrir le Québec des années 1900… et passer un
très agréable moment de lecture !
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