Dirona
Dans le polythéisme celtique, Dirona est une déesse adorée principalement dans l'Est de la
Gaule, dans la vallée de la
Moselle et le long du Danube. Divinité de la guérison, ses attributs sont un serpent et des œufs. Elle est parfois représentée avec Apollon Grannus. Elle est particulièrement vénérée par les Trévires (Le territoire des Trévires couvrait approximativement
l’actuel Luxembourg et les régions avoisinantes, entre les Ardennes et le Rhin.)
Reproduction
de la statue de la sainte Ðirona, trouvée à Hochscheid
près d’une autre représentant le dieu Apollon. Les deux sont exécutées dans un
style provincial au charme naïf. (Rheinisches Landesmuseum Trier)
Le nom de Dirona
Alors que l’orthographe de Sirona est majoritairement répandue, il parait préférable
d’utiliser la variante Ðirona
pour souligner que, dans le nom de la déesse, il ne s’agit pas d’un son [s]
normal.
En fait, le nom de la déesse est intéressant pour plusieurs
raisons.
D’abord, la première lettre, le D mais qui peut s’écrire comme Θ, TH, S
ou S, la variante la plus fréquente dans les textes. Cette lettre que Virgile
qualifie de « tau gallicum »
est en réalité une évolution locale du thêta grec dans l’alphabet gaulois latin.
La prononciation du tau gallicum
est discutée, mais on retient le plus souvent celle de [ts] (on ne saurait exclure [tθ] ni
[θ] non plus.)
Quant au nom, lui-même, la racine ðīr- est à rapprocher au sêr
gallois qui signifie « étoiles ». Donc, Ðirona serait la
« Grande Étoile ». (La variante Serona préserverait la forme archaïque ðēr-). Voilà qui confirme la complémentarité des rôles d’Apollon
et de Ðirona : pour lui, l’aspect solaire et pour sa compagne, voilà un
aspect stellaire. A cet égard, une inscription à Augsbourg invoque
« Apollon Grannus, Diane et la sainte Sirona », réunissant ainsi les
divinités du soleil, de la lune et des étoiles.
Quelle étoile aurait été, aux yeux des Celtes, cette «grande
étoile» ? Il existe de nombreuses réponses possibles, mais toutes
demeurent incertaines et évidemment non exhaustives.
Tout
d’abord, l’étoile la plus importante pour les navigateurs est la Polaire. C’est un astre
qui se trouve non loin du Dragon, que l’on peut rapprocher du serpent de
Ðirona. Un autre candidat pour cette étoile pourrait être, plus fidèle à la
tradition hellénistique, le Serpent qui se trouve dans les mains d’Ophiuchus («le porteur
de serpent») dont la tête est l’étoile Ras Alhague. Or les Grecs l’identifient
à Esculape, proche parent d’Hygie et de son serpent, symbole de la santé.
Enfin, les
planètes sont, pour l’astronomie antique, des «astres vagabonds», c’est-à-dire
qu’une planète, voire l’aspect d’une planète, aurait pu être l’astre de Ðirona.
Chez les Grecs, par exemple, on distinguait souvent Éosphore de Hespéros, Vénus
vue respectivement le matin et le soir. De même, à une certaine époque, la
planète Mercure était Hermès le soir, mais Apollon le matin. On peut dès lors
se demander si les anciens concevaient Ðirona comme une étoile du matin, héraut
du soleil apollonien ou du soir, comme son fidèle disciple ?
Enfin, pour en terminer avec l’analyse de son nom, une
inscription trouvée à Augsbourg, en Allemagne, assimile Dirona à Diane, déesse de
la lune chez les Romains. Il est donc vraisemblable donc que Dirona soit la
déesse lunaire gauloise.
Symboles
Fréquemment représentée avec une
coupe contenant trois œufs (ou des pommes d’or ?) dans la main gauche, et un
serpent enroulé autour de son poignet droit comme un torque. (Dictionnaire des
mythologies indo-européennes, Faits et Documents 1997).
En fait, son animal familier est le serpent, symbole de la
régénération et de la guérison (comme la couleuvre l’était à Esculape...). On
voit même souvent une Ðirona qui nourrit le serpent des œufs qu’elle tend dans
une patère. Or, le serpent et la patère font partie de l’iconographie normale
d’Hygie ; ce qui expliquerait que l’on ait souvent associé Dirona à cette
déesse romaine.
On voit également Ðirona avec une corne d’abondance (comme à
Vienne-en-Val), avec des tiges de blé (comme à Sainte-Fontaine), avec des fruits.
Cela signifie probablement que Ðirona préside non seulement à la guérison, mais
aussi à la croissance, aux bons évènements qui accompagnent la santé. Il est
d’ailleurs à noter que cette santé, de par les symboles qui lui sont associés,
peut être physique, morale ou spirituelle.
Si elle porte normalement une robe et parfois même une voile,
le bronze de Mâlain représente Dirona à moitié nue, un serpent au bras, portant
un diadème. Le diadème, ornement relativement peu fréquent chez les Romains et
les Gaulois, souligne probablement son aspect stellaire.
Fonctions
Les textes privilégient son rôle comme guérisseuse à travers
les eaux thermales qui accueillaient un grand nombre de pèlerins dormant sur
place pour écouter les prescriptions de la déesse dans leurs rêves.
Ausone l’a d’ailleurs chantée dans
son fief de Bordeaux : « Salut, fontaine au jaillissement inconnu,
fontaine sacrée, nourricière, éternelle, claire comme le verre, glauque,
profonde, bruissante, sans souillure, ombreuse. Salut génie de la ville, à boire
en gorgées médicinales, Divona, dont le nom dans la langue des Celtes signifie
fontaine, et qui plus est, divine ».
Carte montrant
la distribution d'inscriptions et de représentations de Sirona
Les
temples de Dirona
Plusieurs temples à Sirona sont connus. Souvent,
ceux-ci sont de type fanum gallo-romain, c’est-à-dire avec une pièce intérieur avec
une passerelle extérieure ou pronaos. Ils ont été
construits autour de sources
thermales ou de puits comme par exemple à Augst et Oppenheim-Nierstein.
A Budapest, un sanctuaire de guérison alimentait même l'aqueduc de la ville. Il était dédié à Apollon et Sirona.
Il aurait été établi par l'empereur
Caracalla quand il a visité la Pannonie.
Le sanctuaire du printemps de
Hochscheid a été décoré avec des statues de Sirona et d’Apollon. Cela est confirmé
par une inscription (Deo Apolli / Ni et sanc / t (a) e Siron (a) e... - à
Apollon et saint Sirona ...).
Dirona et Grannus
Bien
qu’il existe une iconographie et un rôle propre à Dirona, on la représenté
souvent accompagnée d’Apollon Grannus. On les qualifie alors de «parèdres» (ou
de parédre exclusif) et on suppose qu’il s’agit
nécessairement de dieux complémentaires, époux ou amants. En effet, Apollon Grannus et Dirona, le Soleil et la Lune, sont présents ensembles
sur six inscriptions.
1ndépendamment de leur importance astronomique, on
pourrait s’interroger sur l’association de ces deux astres pourquoi les Gaulois
ont-ils associés le soleil et la
Lune ?
La réponse se trouve peut-être dans un texte
méconnu de Plutarque «De la face qu'on voit sur la Lune»
dans lequel cet auteur développe une théorie curieuse en citant un informateur
sans doute Breton, de Grande-Bretagne. Selon ce texte, après la mort, le corps
revient à la Terre,
mais l'âme va vers la Lune,
domaine d'Artémis alors que l'intellect, distinct de l'âme, va vers le Soleil. Ainsi,
si l'on en croit Plutarque, les Celtes de l'Antiquité, comme les croyants grecs
de certains cultes à mystères, ont peut-être cru en une constitution triple de
l'être humain, chaque partie provenant de domaines précis : la Terre, la Lune et le Soleil, pour y
retournant après la mort.
Si cette hypothèse s'avère exacte, il s’agit
peut-être là d’un des principaux principes druidiques, ce qui pourrait
expliquer la grande abondance des attestations de présence de Grannus (33 inscriptions) et de Dirona (36
inscriptions), abondance que seuls Epona et Belenus arrivent à égaler.
Aux sources de soufre d’Alzey en
Rhénanie Palatine (en Allemagne), un bas-relief en pierre montre Sirona vêtue
d'une longue robe et portant une patère à la main droite et un sceptre dans sa
main gauche. L'identification comme Sirona est assurée par une dédicace à
Apollon et à Sirona.
Conclusions
Ðirona est donc une déesse qui préside, non seulement à la
guérison, mais à la floraison
qu’apporte la santé. Les soins préventifs sont à elle, comme l’idée de
bien-être général qui s’attache au mot de « salut ».
Avec le grand Apollon Grannus, son partenaire, elle est le
propriétaire de nombreux thermes à la réputation thérapeutique. Encore comme
Apollon, elle devait apparaître dans les rêves des patients pour leur annoncer
ce qu’il faut faire pour se rétablir.
Son nom et son diadème laissent croire qu’il s’agit aussi d’une
déesse astrale, une sorte de projection nocturne de la brillance de l’Apollon solaire.
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